Belle rencontre hier avec Jeanne qui, après un morceau de vie consacré à un métier qui ne lui convenait plus dans le domaine de l’architecture, a décidé de se lancer à son compte dans l’animation d’ateliers de philosophie avec les enfants.
Bien qu’ayant suivi le parcours SEVE de formation en huit jours proposé par l’équipe de Frédéric Lenoir, Jeanne a encore quelques interrogations et doutes qu’elle souhaite lever et dont elle veut m’entretenir. C’est pourquoi elle me contacte via ce site pour une rencontre où je pourrais lui faire part de mon expérience. Très bien, je suis toujours partant pour un échange autour de ma pratique. Je lui donne donc rendez-vous après un atelier que j’anime le vendredi soir avec des cycles 3. Le thème du jour : la parole, ça tombe bien ! Et la grande question du puzzle : « À quoi ça sert de parler ? »
La discussion avec les enfants a été d’une extraordinaire richesse, et nous sommes montés très haut dans le travail de conceptualisation pour finalement nous arrêter à l’argument suivant : ça ne sert à rien de parler si personne n’écoute !
Si parler, c’est autre chose que faire du bruit, et s’il est des moyens très silencieux de faire entendre sa voix, le partage d’expériences est aussi une fonction essentielle de la parole, donc ce rendez-vous tardif tombe bien.
Malgré quelques questions concrètes que tout jeune entrepreneur se pose lorsqu’il débute : comment communiquer avec les clients, faut-il faire une plaquette, l’envoyer par mail, faut-il appeler, se déplacer ? Qui emploie, les écoles, les mairies, etc. ? – Je sens bien que la vraie question est la suivante : « Tout le monde peut-il animer des ateliers philo avec les enfants ? » Une question à laquelle une formation n’aura pas répondu, ni les quelques ateliers que Jeanne a déjà effectués bénévolement, pour essayer, dans une classe de cycle 2.
Et, derrière cette question, une pire encore se cache : « Suis-je légitime à pratiquer la philo avec les enfants alors que je n’ai pas fait d’études de philo ? »
Voilà quelques-uns de nos ennemis bien connus qui pointent leur nez : croyances limitantes, syndrome de l’imposteur et complexe du bon élève !
Nous reviendrons dans un autre article sur les horribles méfaits de ces vermines très courantes et répondons sans plus attendre à la grande question : OUI ! Pas oui peut-être, ni oui sans doute. Ne noyons pas le poisson dans les nuances. La réponse est OUI, tout le monde le peut.
Et je vais même plus loin : il faut que la pratique philo avec les enfants soit nourrie de différentes influences et soit prise d’assaut par des personnes de différentes cultures, différentes formations et différents horizons – et qu’ils appliquent différentes méthodes. Il ne faudrait surtout pas qu’elle s’enferme dans une matrice professionnelle institutionnalisée, il faut qu’elle respire, qu’elle laisse les fenêtres ouvertes.
La philo avec les enfants est un savoir-faire qu’il faut acquérir, il y a des choses à savoir, c’est entendu, mais il n’est absolument pas nécessaire d’avoir lu la Critique de la raison pure pour cela. Pire : cela pourrait bien constituer un redoutable frein.
Au cours de mes études philo, on ne m’a pas demandé une seule fois de réfléchir par moi-même. Et j’ai connu de brillants élèves qui ont obtenu un 19/20 en philo au BAC alors qu’ils détestaient se poser des questions abstraites, et méprisaient la philosophie au plus haut point, simplement parce qu’ils étaient capables de faire à la perfection ce que l’école excelle à nous enseigner : apprendre par cœur et régurgiter les contenus du cours.
La philosophie comme matière d’enseignement et la pratique philo (avec des enfants, des ados ou des adultes) sont deux choses très différentes : la première dispense des savoirs, la seconde est un savoir-faire et un savoir-être qui peut, et doit, être dispensé par des personnes issues de tous les horizons. Il suffit d’avoir la passion, la patience et les bons outils.
Julien