Aïe, je vais encore me faire disputer par tous les détracteurs de la pédagogie positive ! C’est une nouvelle mode : comme on n’arrive pas à l’appliquer, on jette le bébé avec l’eau du bain. Mais oui, la bienveillance, c’est compliqué, ça prend du temps, ça demande de la patience, ça oblige à revoir son logiciel de pratiques. C’est d’autant plus dur à mettre en place que, pour la plupart d’entre nous, nous n’avons pas reçu cette éducation, donc notre cerveau n’est pas formaté, ce n’est pas habituel (voir l'article sur les neurones miroirs). Alors on préfère se dire que toutes les études se trompent, et que, bon, bah, non, on ne meurt pas d’avoir reçu une fessée ou d’avoir été mis au coin ou d’avoir eu des lignes à copier.
Est-ce pour autant que cela nous a rendus heureux ? Sommes-nous devenus des adultes sans peurs, sans névroses, pas stressés du tout, totalement alignés, assertifs, confiants dans l’avenir et ouverts sur les autres, profitants de chaque instant de la vie avec gourmandise ? Nous sommes-nous construits, merveilleux Prix Nobel d’altruisme qu’à n’en pas douter nous sommes tous devenus, grâce aux punitions que nous avons reçues ou malgré elles ? (Ah, bienheureuse résilience qui sème le trouble dans nos jugements sur la question…)
J’ai souvent constaté que les opposants à la pédagogie positive les plus zélés sont ceux qui en réalité ont le plus besoin d’aide, ce sont au fond les plus malheureux. Cette aide ils la réclament par l’agression (réaction instinctive due au stress) : comme pour beaucoup de souffrances enfouies (refoulées), la colère, la haine, le crachat ne sont que la partie émergée de l’iceberg, il ne faut pas s’arrêter à ça. Un cœur blessé bat derrière tout ça. Et il bat fort.
Sans tomber dans l’excès, parce que, non, la bienveillance, le refus de la brutalité, ce n’est pas le laxisme, ce n’est pas l’absence de règles, ce n’est pas le refus d’un cadre (toute société impose des limites) ; et parce que, non, une punition ou un geste d’humeur, quand on est à bout (ça arrive, nous sommes humains); et parce que refuser de punir, ce n'est pas refuser de sanctionner ; il s’agit juste de regarder la vérité en face : ne pas la regarder ne la rend pas inexistante, cela la rend juste inaccessible.
Alors voilà, c’est dur à accepter peut-être, c’est pénible, ça paraît même aussi peu logique au sens commun qu’une Terre ronde, et qui tourne de surcroît, mais c’est un fait qu’il faut assimiler : la punition, ça ne fonctionne pas.
Pourquoi ?
Eh bien, au-delà du lien affectif qu’elle met à l’épreuve, pour des raisons bassement neurologiques et hormonales : la punition stresse l’organisme qui, par réaction, active le système sympathique (sécrétion de cortisol, de noradrénaline et d’adrénaline, toxiques pour l’organisme) ; ce stress empêche le cerveau de se développer normalement, notamment au niveau des aires de contrôle des émotions et du raisonnement (cortex préfrontal et orbito-frontal).
Pour simplifier à l’extrême, on pourrait comparer la punition à un serpent qui se mord la queue : l’éducateur punit un enfant qui se comporte de façon inappropriée => la punition bloque le développement des zones du cerveau qui permettent à l’enfant de se comporter de façon appropriée => l’enfant se comporte de façon encore plus inappropriée => l’éducateur punit davantage l’enfant. Et ainsi de suite.
Plus la punition est grande, brutale et inexpliquée, plus le serpent grossit.
Des centaines d’études réalisées partout dans le monde (en Amérique du Nord pour l’essentiel), des milliers d’observations sur des milliers de cas menées par des docteurs en biologie, spécialistes du cerveau, médecins, chercheurs exerçant dans des universités réputées, sur des laps de temps suffisamment importants pour que nous ayons le recul nécessaire à tirer des conclusions scientifiques définitives et à établir des théories fiables, vont rigoureusement toutes dans le même sens : les mauvais traitements, « petits » ou « grands », physiques ou verbaux, occasionnent des perturbations dans le développement cognitif et affectif de l’enfant.
NOTA BENE.
Quelques effets négatifs du cortisol sur le cerveau :
- destruction de neurones dans tout le cerveau => dans le cortex préfrontal : difficultés d’apprentissage, de concentration, de gestion des émotions ; dans l’hippocampe : problème de mémorisation,
- diminution du volume cérébral général,
- destruction de la myéline qui favorise les connexions…
Il est donc particulièrement important de ne pas laisser l’enfant grandir dans une atmosphère traumatisante
Pour en savoir plus, je vous renvoie à mon livre Autorité et bienveillance.
Et aussi aux livres du Dr Catherine GUEGUEN.
Auteur de cet article: Julien Lavenu
Puisque ce sujet vous intéresse, je vous recommande ces ouvrages:
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