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Punition ou sanction ? En finir avec la confusion

 

L’éducation positive (et moi le premier) répète à longueur de temps qu’il ne faut pas punir les enfants, que ça ne sert à rien, et que, même, au contraire, cela cause des dégâts sur le cerveau.

Devant ces faits indiscutables (ils ne sauraient être un sujet de débat puisque la science a tranché, et depuis longtemps), les contempteurs de l’éducation bienveillante se rebiffent et répondent en chœur :

 

« Mais, alors, il faut tout laisser faire ? »

 

 Non ! Halte à la confusion !

 

Education positive. Pédagogie. Bienveillance. Punition. Sanction.

  

Deux conceptions différentes de l’humain

 

En préambule, il est primordial de ne pas confondre l’individu avec les actes qu’il accomplit. Nos actions ont une double origine : elles répondent à un besoin et elles sont l’expression d’une stratégie destinée à assouvir ce besoin.

Un exemple ?

Se nourrir est un besoin vital, universel, partagé par tous, comme tous les besoins. Pour assouvir ce besoin, un nombre illimité de stratégies s’offrent à moi : aller acheter un croissant dans une boulangerie, voler un paquet de biscuits au supermarché, demander à mes voisins de m’inviter à déjeuner, etc.

Bien que répondant à un besoin, une action doit être conforme à un cadre (les règles qui régissent la vie collective et qui permettent à chacun de vivre ensemble en bonne intelligence). Si la stratégie utilisée pour assouvir un besoin n’est pas conforme au cadre, elle doit être sanctionnée, c’est-à-dire soulignée, et une solution doit être trouvée pour qu’à l’avenir elle soit compatible avec le cadre.

Il ne s’agit pas, avec la sanction, de punir l’individu (et son besoin) en tant que personne, mais d’évaluer son action et la stratégie utilisée au regard des lois en vigueur (celles de la société, celles de l’école, celles de la maison…). La sanction, donc, contrairement à la punition, n’est pas personnelle, elle est factuelle : elle juge les faits, et non l’individu, elle donne son approbation ou sa désapprobation.

Derrière la punition, il y a l’idée de « peine ». La punition s’attaque à la personne en tant que telle et a pour objectif de la faire souffrir pour réparer le préjudice causé par une action. La personne sera jugée mauvaise, immorale, perverse, ayant un mauvais fond, ayant le diable au corps, etc. ; donc digne de souffrir, d’être enfermée, humiliée, torturée… La personne n’est plus reconnue comme un être humain à part entière, elle a perdu quelque chose et elle doit être réparée.

La sanction, en s’attachant aux actions (stratégies) et non à la personne (et à ses besoins fondamentaux), ne comporte pas en elle l’idée de souffrance et de dévalorisation. Elle est objective et pragmatique. Si l’action est inappropriée, elle doit être soulignée, désapprouvée et corrigée.

 

On voit bien qu’il ne s’agit pas de tout laisser passer, bien au contraire. Mais il s’agit de ne pas déprécier une personne en l’assimilant à une stratégie inadéquate, mais de lui donner les moyens, outre de reconnaître la responsabilité de cette action (et donc de réparer les préjudices causés), les moyens de se conformer au cadre et, par conséquent, de s’intégrer à la vie du groupe, de trouver sa place, de se sentir un élément important de la communauté, reconnu et utile.

 

Contrairement à la punition, la sanction est incluante et non excluante.

 

 

Quelques exemples de punitions et de sanctions

 

Les punitions, on ne les connaît que trop bien : mettre en retrait, au coin, donner des lignes à copier, donner une fessée, etc. Elles sont dénuées de sens, déconnectées de l’action, et déresponsabilise l’enfant (qui se tient bien pour ne pas être puni et non parce qu’il a compris pourquoi il doit bien se tenir, et encore moins parce que ses besoins ont changé).

 

Dans la famille des sanctions, nous allons retrouver les conséquences naturelles, les conséquences logiques, l’explication et l’approbation.

 

À l’inverse de la punition qui, donc, ne fait pas sens, la conséquence logique est reliée à la faute commise par un lien de causalité. Elle permet à l’enfant de réfléchir sur la nature de ses actes – soit en les exécutant de nouveau de la bonne manière, soit en réparant les dégâts occasionnés – et donc d’éliminer les comportements inadaptés. Par exemple : j’ai renversé => je ramasse.

Attention, toutefois à ne pas transformer une conséquence logique en punition, c’est hélas ce qui se passe souvent. La façon dont la conséquence logique va être explicitée et son caractère mesuré, non humiliant et non disproportionné sont essentiels.

 

La conséquence naturelle est, comme son nom l’indique, une sanction naturelle qui va permettre à un enfant de corriger de lui-même une action inappropriée. Par exemple : je saute dans une flaque d’eau => j’ai les pieds mouillés : à moi ensuite de m’en arranger !

 

L’explication est également une façon de sanctionner une action inappropriée : on ne la laisse pas passer, mais on réfléchit avec l’enfant à d'autres stratégies possibles pour assouvir son besoin. Attention, ce n’est pas une leçon de morale, culpabilisante et humiliante. L’explication doit se faire sous la forme d’une discussion-philo où l’enfant est invité à réfléchir par lui-même et à argumenter, non pas pour remettre en question le cadre posé, mais pour le comprendre et accepter son bien-fondé. Par exemple : « Lorsque tu sautes dans une flaque d’eau, quelles peuvent être les conséquences ? À ton avis, pourquoi je n’aime pas ça ? »

L’explication doit avoir lieu lorsque les tensions sont retombées. En pleine crise, le cerveau de l’enfant ne sera pas réceptif.

 

Enfin, l’approbation est également une façon de sanctionner, mais celle-ci va s’attacher à mettre en valeur une action appropriée qui mérite d’être soulignée. Car l’adulte aurait tort de ne s’attarder que sur ce qui doit être corrigé et de n’envisager la sanction que dans une optique négative. De la même façon qu’un diplôme va sanctionner un certain niveau d’étude et la réussite à un examen, la mise en valeur d’un comportement approprié va sanctionner la réussite d’un enfant. La sanction prend alors la forme d’un encouragement, d’une invitation à observer un succès et à s’observer soi-même en tant qu’individu agissant.

 

Et toujours, rappelons la nécessité de faire usage de la force en cas de nécessité. Il n’est évidemment pas question de recourir aux conséquences naturelles, logiques ou aux explications si un enfant traverse la route en pleine circulation ! Dans ces cas-là, on l’attrape comme on peut.

Tout reste une question de bon sens.

 

 

© Julien Lavenu, LaboPhilo, 2020.

 

 

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